
Dans cet article, Cécile Verdier, éducatrice spécialisée au sein du Galilée, revient sur l’accompagnement singulier d’une jeune en situation complexe. Elle y partage les étapes, les ajustements et les coopérations interprofessionnelles nécessaires à cette prise en charge. Un récit qui témoigne des enjeux humains et institutionnels de la co-construction.
Une situation complexe, un contexte inadapté
En juin 2023, nous avons été sollicités par le département et les institutions du secteur médical pour étudier une situation, dite « complexe », d’un jeune suivi par l’Aide Sociale à l’Enfance. Ce jeune s’appelle Mathieu* mais souhaite se faire appeler Carole.
Cette adolescente âgée de 17 ans est « placée » au sein du service psychiatrique adulte de l’hôpital de Pontoise depuis 2 ans. Ce contexte d’accueil est alors incompatible avec les prérogatives de la protection de l’enfance et de l’hôpital. Pour autant, la jeune a pu montrer à plusieurs reprises son impossibilité à vivre en collectivité. Ses nombreux passages à l’acte, à l’encontre des professionnels, de ses pairs mais aussi auto-agressifs, ont amené les équipes soignantes à maintenir la jeune en milieu hospitalier (en accord avec l’ASE et les parents).
Construire un accueil sur-mesure, pas à pas
Dans un premier temps, nous étions surpris par cette demande. Notre accueil en autonomie demande une maturité et un minimum de bien être psychique de la part des jeunes accueillis afin de pouvoir tenir leurs projets de vie et de s’adapter à une forme de liberté que propose le Galilée dans leur quotidien. Nous avons donc rencontré les professionnels qui accompagnent déjà la jeune, à savoir le SESSAD (Service d’Education Spéciale et de Soin à Domicile), l’hôpital, la MDPH et l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance). Tous s’accordent à dire que le lieu de vie de Carole n’est pas approprié, voire peut être délétère à son évolution. Le SESSAD, qui intervient alors depuis le mois de juin, travaille la socialisation et offre à Carole la possibilité de sortir de l’hôpital. Différentes activités lui sont alors proposées et les évolutions sur son comportement et son état psychique apparaissent.
D’un commun accord, et avec l’étroite collaboration des différents partenaires, Le Galilée accueille Carole en Septembre 2023. L’accompagnement et l’espace de vie que nous proposons correspond davantage à son âge. Cependant, nous avions émis des conditions concernant les modalités d’intervention de l’hôpital et des possibles aller-retour en cas de mal être de la jeune.
Un emploi du temps a été mis en place en collaboration avec le SESSAD et l’hôpital afin d’apporter à Carole un étayage le plus adapté à son quotidien. Nous l’avons d’abord accueillie sur des temps en journée, puis en soirée. Les premières nuitées sont arrivées fin octobre. La première nuit a été compliquée et n’a finalement pas pu se faire (nuit aux urgences). Cette épisode a permis à Carole de se rendre compte de ses difficultés et de ses fragilités qu’elle pouvait occulter.
Soutien, souplesse et coopération interinstitutionnelle
Après plusieurs mois, force est de constater que l’accompagnement de Carole reste atypique pour notre service. La souplesse est de mise afin d’accompagner la jeune femme en fonction de son état émotionnel et psychologique du moment. Le soutien et l’étayage de l’ensemble des institutions qui gravitent autour de cette situation permet aux professionnels d’apporter de la cohérence et de la qualité dans le travail éducatif.

A ce jour, Carole, qui a travaillé en service civique durant 4 mois, se confronte à ses limites tant dans sa relation avec le monde extérieur qu’avec ses propres « démons » et a souhaité mettre fin à son activité. Pour autant, elle a d’autres projets en tête et souhaite s’orienter vers la mécanique cycle. A l’aube de ses 18 ans, elle adhère à l’idée de signer un contrat jeune majeur qui permettra de maintenir l’écueil et le soutien des différents professionnels.
Cet accompagnement permet à l’ensemble des professionnels de se rencontrer et de mettre en avant la richesse des interventions. Pour autant, un travail conséquent de partage, d’échange et de communication sont nécessaires pour mener à bien ce suivi ; ce travail collaboratif interprofessionnel est possible à condition que chacun maintienne son engagement.
*par souci d’anonymat, les prénoms ont été modifiés
Cécile VERDIER,
Educatrice spécialisée Le Galilée